Baux Commerciaux : prescriptions à géométrie variable.

La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt qui mérite que l’on s’y attarde (Cass. 3ème civ., 25 mai 2023, n° 21-23.007) et dont la solution peut être comparée à un arrêt qu’elle avait rendu fin 2022 (Cass. 3ème civ., 7 décembre 2022, n° 21-23.103).

Dans les deux cas, la Cour de cassation doit déterminer la prescription à laquelle la demande du preneur se trouve soumise : prescription biennale du statut, prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil ou…absence de prescription !

Concernant l’arrêt du 25 mai 2023, la Cour juge qu’un preneur laissé en place par le bailleur à l’expiration d’un bail dérogatoire peut invoquer le bénéfice d’un bail commercial sans être tenu de la faire dans un délai spécifique.

L’action du preneur en constatation d’un bail soumis au statut, à la suite de son maintien dans les lieux à la fin de son bail dérogatoire, est donc imprescriptible.

Sans défendre à tous crins les preneurs, cette solution semble logique car le droit du preneur à bénéficier d’un bail commercial est clairement consacré par la loi, aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 145-5 du code de commerce (qui réglemente le bail dérogatoire) :

« Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.« 

A notre sens, la Cour de cassation n’ajoute pas à la loi : une solution différente (action du preneur laissé en possession prescrite) aurait été contraire à la consécration par législateur de l’existence d’un bail commercial au profit du preneur d’un bail dérogatoire laissé en possession.

S’agissant de l’arrêt du 7 décembre 2022, le preneur demandait la requalification d’un bail de location d’une durée de 7 ans, qui portait sur un terrain nu supportant une station de lavage, en bail commercial soumis au statut. Dans cette affaire, le bailleur exploitant un hypermarché, avait probablement dû négocier la faculté de louer/sous-louer les locaux adjacents et/ou faisant partie de la galerie attenante à l’hypermarché.

La Cour de cassation jugeait effectivement que l’action en requalification est soumise à la prescription biennale (L. 145-60 du code de commerce).

Les droits du preneur sont légèrement distincts dans les deux arrêts examinés.

Dans le premier arrêt, le droit du preneur change de nature suite à l’expiration de son bail dérogatoire. En outre, le législateur a voulu consacrer son droit à bénéficier d’un bail commercial.

Le droit du preneur naît donc de l’application de la loi.

Dans le second, le droit du preneur existe et découle de l’application d’un contrat. Il se trouve donc dans la situation de n’importe quel preneur devant agir dans un délai de deux ans à compter de la naissance de son droit.

Ces décisions sont intéressantes et peuvent alimenter la réflexion sur les prescriptions applicables dans des cas connexes, comme par exemple celle attachée à la demande d’un preneur de bénéficier un bail commercial à l’issue d’un bail à construction.

En effet, il est courant qu’un bail à construction contienne, au profit du preneur, une promesse du bailleur de conclure un bail commercial à la fin du bail à construction.

Dans quel délai le preneur doit agir judiciairement ?

Il n’est pas certain que Mourir puisse attendre !